Elle avait marre de voir ses yeux lorsqu’elle fermait les siens. Elle avait mal à la tête, elle n’en pouvait plus. Elle devait compter et tout irait mieux. Tout irait mieux. Ce n’était pas le cas. Couchée dans le noir, ses rêves crissants s’envolant dans un souffle demi-teinté, elle était hésitante. Elle observa, hagarde, les étoiles factices entourant la constellation de la Couronne Boréale projetée sur son plafond.
Son téléphone sonna pour la septième fois. Elle soupira, ne décrocha pas.
« J’aurais aimé être une meilleure version de moi pour toi. Une version sans passé qui ne t’aurait pas fait ça. Le temps passe vite, j’aimerais ralentir. Mais tout cela n’aurait plus aucun sens n’est-ce pas ? Tu m’as dit, fut un temps : arrêtes-tu te fais du mal. Je ne te pardonnerais jamais. Tu sais, j’aimerais juste retourner à toutes nos nuits partagées, tous nos rires et nos récoltes. J’en ai passé du temps à regretter toutes nos lignes. Je suis fatiguée de ne plus te parler. »
Aurait-elle aimé lui dire. Repousser leurs pleurs, mais elle ne le pouvait plus, le temps été passé à présent. Elle essuya une perle salée.
Elle se leva. Elle devait s’occuper pour ne plus penser. Braser de l’air pour diriger. Ne pas s’arrêter, jamais.
- Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept.
Elle envia. Enfila un jean trop grand, un pull démodé, absorba un café serré et suspendit ses cheveux. Elle ne s’observa pas dans le miroir, déposa tous ses bijoux sur sa commode, puis prit la porte, son téléphone abandonné dans son lit sonnant à s’en décharger. Elle avait du travail, des but fictifs, et des sourires stupides à offrir.
Elle se dirigea vers la périphérie de la ville, arpenta le chemin au petit matin. Le pourtour rosé du ciel l’accompagnait à chacun de ses pas. Elle n’avait pas peur, elle n’avait plus mal à la tête. L’air frais lui faisait du bien. Elle devait accomplir, encore, taire ses angoisses dans ses battements de cils.
Elle arriva rapidement, peut-être trop, à destination. Se présenta au chef de file. Elle représentait l'unique bénévole, tous les autres était payé pour le même travail. Elle s’en fichait. Elle aligna brièvement quelques mots, saisit un panier. Elle été chargée des récoltes, cela ne la dérangeait pas. De tous ses emplois, quand il ne s’agissait pas de s’occuper d’enfants, cela était inévitablement son préféré. La brume allait bientôt l’envelopper, la laissant se fondre au milieu des champs des citronniers. Plus personne n’allait plus lui parler, et elle serait seule avec elle-même. Seule avec la beauté étrange et frappante de cette campagne coupée de toute chose. Elle pourrait même éventuellement pleurer un peu, sous l’ombrage des arbres majestueux. Et toute la journée, jusqu’à s’épuiser, elle briserait chacune de ses angoisses, chacune de ses souffrances stupides, pour espérer pouvoir s’endormir tranquillement quand le soleil se couchera.
Cela ne sera pas le cas. Jamais.
Elle en avait passé du temps, travaillant ardemment. Jusqu’à ce qu’une ombre étrange excita son attention. Il était somptueux. Transversale de son champ de vision. Il fit battre un peu plus son cœur. Pas par amour, oh non, il semblait juste autant souffrir qu’elle-même. Il ressemblait à un fantôme, un étrange être d’une beauté presque insultante. Elle avait envie de l’enserrer ou de le frapper, peut-être les deux en même temps. Elle sourit, presque sincèrement, et s’approcha de cet étrange garçon.
- Salut.
Elle lui tendit un citron, le même qu’elle observait quelques instants avant.
- Salut.
Répéta-t-elle pour elle-même seulement.
- Si vous ne faites rien, voulez-vous bien m'aider ?
